« Diairesis : La division chez Platon et Aristote » ‒ Présentation du dossier (2024)

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La division est une procédure fondamentale de la philosophie de l’Antiquité classique. Elle consiste à décrire un objet en l’inscrivant dans une catégorie générale (son genre) puis à poser des différences ou des distinctions au sein de cette catégorie générale jusqu’à qu’il soit suffisamment caractérisé. Si cette procédure a été longtemps méprisée par la littérature secondaire, elle fait, depuis quelques années, l’objet de l’attention d’un nombre croissant d’études locales. En mettant en regard des études sur la division chez Platon et chez Aristote, le présent dossier espère montrer que la division gagne à être abordée dans une perspective comparative, pour souligner à la fois les continuités entre les deux auteurs, mais aussi les caractéristiques irréductibles de leurs approches respectives.

Division is a fundamental procedure in the philosophy of classical Antiquity. It consists of describing an object by inscribing it in a general category (its genus) and then making differences or distinctions within this general category until it is sufficiently characterised. While this procedure has long been despised by secondary literature, in recent years it has come to the attention of a growing number of local studies. By presenting studies of division in Plato and Aristotle side by side, the present issue intends to show that division benefits from being approached from a comparative perspective, in order to highlight both the continuities between the two authors, and the irreducible characteristics of their respective approaches.

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Entrées d’index

Mots-clés:

Aristote, Définition, Division, Différence, Espèce, Genre, Platon

Keywords:

Aristotle, Definition, Division, Difference, Genus, Plato, Species

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Plan

A.La division dans les études anciennes

B.Platon et Aristote?

C.Diairesis, la division chez Platon et Aristote

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Texte intégral

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1La division (diairesis) est une procédure argumentative et heuristique dont plusieurs philosophes de l’Antiquité font un usage intensif. Elle consiste à définir ou, plus largement, à décrire un objet sur lequel porte une recherche ou un argument en l’inscrivant dans une catégorie générale – le genre auquel l’objet en question appartient –, puis à poser des différences ou des distinctions au sein de cette catégorie générale de manière à le circonscrire. L’objectif est ainsi de dégager les caractéristiques propres à l’objet recherché en le situant dans une ou plusieurs catégories plus larges sous lesquelles il tombe à l’aide d’un réseau de différences. On obtient donc un énoncé portant sur l’objet par la division de son genre. Le principal bénéfice théorique et argumentatif de la division est qu’elle permet en général de distinguer un objet d’autres objets conceptuellement proches de lui, et ainsi de préciser la chose recherchée à partir de son genre, et plus précisément de la spécifier, au sens où elle dégage une espèce au sein de son genre. En effet, plusieurs espèces sont rassemblées au sein du genre. En ce sens, la division a une dimension définitionnelle: certaines divisions fournissent des définitions de ce qu’est l’objet recherché. Parfois, plus modestement, elles se contentent de clarifier une caractéristique de l’objet ou d’en dissiper une ambiguïté. Par ailleurs, la division, parce qu’elle établit un réseau de différences qui structurent un genre donné, peut également être un outil classificatoire et taxinomique des espèces qui sont rassemblées dans ce genre: chaque espèce du genre se trouve «située» dans un embranchement déterminé par le réseau de différences qui permet de parvenir à elle.

  • 1 Voir l’étude de H.Cherniss, Aristotle’s criticism of Plato and the Academy, vol.1, Baltimore, Jo (...)
  • 2 Notamment chez Proclus et Damascius, qui en font tous les deux une dimension essentielle de la dia (...)

2Que la division soit une procédure très utilisée par les auteurs anciens ne fait aucun doute. Platon et Aristote en ont fait une procédure importante de leur démarche philosophique, comme en attestent les études réunies dans le présent dossier. Toutefois, il est patent que l’influence de la division va bien au-delà des deux grands auteurs de la période classique: il est fort probable qu’elle ait joué un rôle crucial dans le milieu académique qui était le leur. On sait ainsi que leurs proches lui accordaient une importance particulière: c’est notamment le cas de Speusippe, qui en faisait un usage tout à fait original1. Par ailleurs, l’usage de la division va bien au-delà de l’Ancienne Académie, puisqu’elle jouira d’un certain crédit dans les écoles hellénistiques et romaines, notamment chez les stoïciens, ainsi que d’une importance décisive chez certains néoplatoniciens tardifs2.

  • 3 Épicrate, fragment 10KA cité par Athénée, II,54. Ce fragment est qualifié de «célèbre» par H.C (...)
  • 4 À l’exemple de F.M.Cornford, Plato’s Theory of Knowledge, The Theaetetus and the Sophist of Plat (...)
  • 5 Voir, par exemple, G.Rodier, «Les mathématiques et la dialectique dans le système de Platon», É (...)
  • 6 G.Ryle, «Plato’s Parmenides», in R.E.Allen (éd.), Studies in Plato’s Metaphysics, Londres, Rou (...)
  • 7 Les interlocuteurs des Dialogues eux-mêmes tendent à le souligner, comme c’est le cas dans Politiq (...)
  • 8 Voir par exemple G.Ryle, Plato’s Progress, Cambridge, Cambridge University Press, 1966, p.285. I (...)
  • 9 Voir notamment J.Ackrill, «In Defence of Platonic Division», in O.P.Wood et G.Pitcher (éds.) (...)
  • 10 Phèdre266b4‑5: ἵνα οἷός τε ὦ λέγειν τε καὶ φρονεῖν, trad.L.Brisson.
  • 11 Phèdre266b3: Τούτων δὴ ἔγωγε αὐτός τε ἐραστής, trad.L.Brisson modifiée.
  • 12 Phèdre266b‑c.

3Malgré son importance centrale dans la plupart des philosophies anciennes, l’opération de division a, dès l’Antiquité, été moquée par certains auteurs. Ainsi, un fragment célèbre d’Épicrate dépeint les divisions pratiquées dans l’Académie comme une procédure à la limite du sophisme verbeux, ou en tout cas assimilable à un inutile babillage3. Or il est intéressant de noter que cette attitude de dédain à l’égard de la division se prolonge bien au-delà de l’Antiquité, puisque les travaux de beaucoup d’historiens de la philosophie du XXesiècle présentent de nombreuses réserves à propos de l’utilité théorique et argumentative de la division. En effet, elle a pendant longtemps été considérée par la littérature secondaire moderne, au mieux comme une curiosité épistémique sans grande portée philosophique4, au pire comme une forme de diversion nous détournant des véritables enjeux des textes et n’ayant d’intérêt que pédagogique5. Certains vont jusqu’à affirmer, comme l’a fait Gilbert Ryle à propos de la division platonicienne, que «la méthode de division n’était pas un instrument philosophique puissant»6. De telles affirmations sont en contradiction manifeste à la fois avec l’usage intensif que font les philosophes anciens de la procédure – en particulier Platon et Aristote –, et avec les descriptions qu’ils en proposent. Ainsi, si l’on peut, avec Gilbert Ryle, interroger la fécondité des divisions platoniciennes, qui se succèdent parfois laborieusem*nt7, on ne peut sans doute pas souscrire à l’idée qu’elle serait un exercice purement scolaire8 en l’opposant à la véritable réflexion philosophique9. Pour s’en tenir à un seul exemple particulièrement éloquent, on peut rappeler que le Phèdre affirme que la division, avec le rassemblement (συναγωγή), «permet de parler et de penser»10. Socrate va jusqu’à affirmer que, pour cette raison, la division et le rassemblement constituent «ce dont, pour <sa> part, <il> est amoureux»11. En effet, la division et le rassemblement seront identifiés à la dialectique, c’est-à-dire à la pensée philosophique elle-même12.

  • 13 Voir, entre autres, les études fondatrices de S.Delcomminette, L’Inventivité dialectique dans le (...)
  • 14 Voir notamment le travail collectif de D.Deveureux et P.Pellegrin (dir.), Biologie, logique et m (...)

4Si l’on assiste, depuis une trentaine d’années, à un regain d’intérêt pour la division à la fois dans les études platoniciennes et dans les études aristotéliciennes, cet intérêt est souvent local et circonscrit. Les études en question portent souvent sur un texte particulier qui parle ou fait usage de la division, ou sur quelques textes cohérents (ou non) entre eux. L’intérêt de l’exégèse platonicienne est sans doute lié à l’expansion des études portant sur la dialectique13, dont on a déjà vu que le Phèdre fait de la division l’une des dimensions essentielles. L’intérêt des commentaires aristotéliciens trouve quant à lui certainement son origine dans l’attention nouvelle pour les relations complexes entre, d'une part, la conception qu’Aristote se fait de la science (ainsi que des procédures logiques décrites dans l’Organon) et, de l’autre, sa propre pratique scientifique, notamment dans le corpus biologique14. Quoi qu’il en soit, il est manifeste que l’on voit se multiplier depuis les années1990 des études de plus ou moins grande envergure ayant pour objet la division et portant sur certains textes diairétiques de Platon ou d’Aristote. La portée de ces études dépasse cependant rarement le corpus d’un auteur, si ce n’est, dans le cas d’Aristote, dans la limite où celui-ci polémique explicitement ou implicitement contre la division de Speusippe ou de Platon.

  • 15 Il faut souligner qu’il existe déjà quelques études comparatives, par exemple M.Deslauriers, «Pl (...)
  • 16 S.Delcomminette et R.VanDaële (dir.), op.cit., 2020.
  • 17 «C’est l’histoire de cette réception [celle de la division], encore peu étudiée pour elle-même, q (...)

5Toutefois, cet intérêt local de la littérature critique à propos de la division n’a pas encore véritablement donné lieu à des réflexions transversales sur cette dernière, par exemple sous forme de démarches comparatives d’ensemble15, ni même à des tentatives d’écriture d’une histoire de la division sur le temps long. Une exception notable est le récent ouvrage collectif dirigé par Sylvain Delcomminette et Raphaël VanDaele16, qui constitue, à notre connaissance, la seule véritable esquisse de construction d’une histoire de la division antique17.

6Si les études présentées dans ce dossier demeurent des études locales, en raison de leur format réduit, nous espérons que leur réunion révèle les bénéfices que l’on peut tirer de la mise en regard d’études sur Platon et sur Aristote, ainsi que l’intérêt de l’étude pour elle-même du procès de division dans l’Antiquité. Le choix de mettre en regard les deux auteurs dans un même dossier découle d’abord de la conviction selon laquelle la division n’est pas une procédure propre à un philosophe ou à une option philosophique donnée, mais qu’elle est une opération commune à la démarche philosophique en général dans l’Athènes classique, opération que chaque philosophe développe et se réapproprie à sa façon. Ainsi, étudier la division à l’époque classique nécessite de se confronter la diversité de ses usages, et donc des auteurs qui l’ont pratiquée.

  • 18 Comme le montre le fragment d’Épicrate cité plus haut: celui-ci décrit la division comme une prat (...)

7Pourquoi rassembler des études à propos de la division en se concentrant sur Platon et Aristote exclusivement? Ce choix vient d’abord de la nécessité de s’interroger sur l’origine de la division. En effet, il est fort probable que l’usage intensif de la division ait émergé dans les cercles académiques dans lesquels évoluent Platon et Aristote; c’est en tout cas clairement à ce milieu qu’elle est associée dans l’Antiquité classique18. D’autre part, le choix de s’intéresser spécifiquement à Platon et Aristote, et non à d’autres de leurs contemporains, vient du fait qu’ils sont de loin les deux auteurs qui nous sont les mieux connus de la période. C’est à partir de leurs corpus respectifs que l’on peut mesurer toute l’amplitude qui pouvait être donnée à la méthode de division dans la pratique de la philosophie durant l’Antiquité classique. C’est donc de fait chez eux que l’on trouve le plus de matériel sur cette question.

  • 19 Voir Théétète 208d6-9 sur la «différence» (ἡδιαφορά) qui forme la définition (ὁλόγος) de l’obj (...)
  • 20 Voir Politique 258c, sur le «sentier politique» à séparer des autres.
  • 21 Comme en témoigne la multiplicité des «définitions» du sophiste dans la première partie du Sophi (...)
  • 22 À strictement parler, on peut distinguer entre l’analyse, le rassemblement et la division propreme (...)
  • 23 Comme c’est le cas dans le Sophiste et dans le Politique.
  • 24 Par exemple, les subdivisions «selon les articulations naturelles» du Phèdre (265e) dissipent un (...)
  • 25 Le son est ainsi considéré selon la qualité et la quantité dans le Philèbe17b‑e.
  • 26 Par exemple, celle du Politique262c8‑262e3. On peut éventuellement lier cette question à celle de (...)

8Chez Platon, bien qu’elle vise toujours à la considération objective d’un concept complexe, la division prend manifestement des sens différents. Une difficulté importante vient du fait que les Dialogues n’offrent que de rares analyses réflexives et théoriques à son sujet. Les usages platoniciens de la division posent la question de la distinction entre les finalités classificatoire et définitionnelle de la procédure. Si la succession des divisions dans le Sophiste et le Politique ont favorisé le rapprochement avec une méthode de classification, le terme de «méthode» retrouve chez Platon son sens étymologique d’«itinéraire»: il s’agit de trouver le chemin qui isole ce qui fait le propre de l’objet recherché, comme la glaise, le soleil, la science19, le sophiste ou le politique20. Non seulement il n’est pas certain que la division platonicienne établisse aucune taxinomie au sens strict, mais, même dans une perspective définitionnelle, le dialecticien peut opérer de multiples façons pour définir un objet21. Certaines divisions visent ainsi à définir un objet, par analyse22 ou par divisions successives23, à réduire une ambiguïté24 ou reviennent à l’examen d’un même genre selon différentes perspectives25; l’échec de certaines divisions mal opérées26 semble également remplir un but heuristique. En cela, la pertinence des critiques aristotéliciennes à l’encontre de la méthode platonicienne peut être interrogée, dans la mesure où cette méthode remplit sans doute un but bien différent. Toutefois, la lecture conjointe de ces deux auteurs se dote précisément dès lors du mérite de mettre en évidence ces différences.

  • 27 Voir Premiers AnalytiquesI,31, Seconds AnalytiquesII,5 et13 notamment. Ces passages ont été b (...)
  • 28 Voir en particulier A.Falcon, «Aristotle’s Rules of Division in the Topics: Relationship between (...)
  • 29 Voir par exemple: Des Parties des animauxI,2‑3. Plus généralement, sur la division dans le corp (...)
  • 30 Voir la contribution d’Ulysse Chaintreuil («La division dans la Métaphysique d'Aristote») dans l (...)
  • 31 Sur la division dans le champ éthique, voir par exemple l’article de M.Deslauriers, «Courage: De (...)
  • 32 P.Pellegrin, art.cit., 1981, p.173.
  • 33 MétaphysiqueZ,12, 1038a30: κατά γε τὸ ὀρθόν.

9Chez Aristote, la division apparaît dans des champs théoriques et des types de discours variés: théorie de la science27, dialectique28, biologie29 et même ontologie30 ou éthique31. Si elle régit toujours la relation entre un genre et une espèce, ces derniers n’ont pas toujours le même statut: dans les Topiques, genre et espèce sont avant tout des opérateurs du discours dialectique, ils sont des objets de science dans les Analytiques et des «substances» (ou des pseudo-substances) dans les livres centraux de la Métaphysique. D’un autre côté, la division est très souvent abordée dans une perspective critique: il s’agit la plupart du temps pour Aristote de montrer que l’usage platonicien et académicien de la division ne permet pas de produire des connaissances valides et qu’il est déficient à plusieurs niveaux, ce qui l’amène à adopter une position complexe par rapport à cet usage. Toutefois, comme l’a montré Pierre Pellegrin, à propos de la division, Aristote est en général «critique en un sens quasi-kantien»32, dans la mesure où, en montrant que certains usages de la division sont inadéquats – notamment le syllogisme de la division –, il circonscrit d’autres usages qui ont toute leur place dans son propre discours philosophique, notamment la définition par division, «si du moins elle est correctement menée»33. Ainsi, en montrant que certaines pratiques divisionnelles sont inopérantes, il donne en même temps sa valeur épistémique, dialectique et plus largement discursive propre à la division. La mise en regard d’études sur la division aristotélicienne avec la division platonicienne permet de mesurer l’importance et la portée de ces critiques d’Aristote.

10Les contributions au présent dossier sont issues des journées d’étude des2 et3 décembre 2022 portant sur la division chez Platon et Aristote. Ces journées ont eu lieu à l’École normale supérieure et en Sorbonne, dans les locaux de l’Université Paris1, et ont été organisées avec le soutien de l’École Doctorale de Philosophie de l’Université Paris1 (ED280) et de l’École Doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (ED540).

11Les articles que rassemble le présent dossier portent sur certains textes platoniciens et aristotéliciens parlant de la division, sans pour autant en épuiser la variété. Le parcours ainsi tracé ne prétend pas à l’exhaustivité: il est à la fois partiel et partial. La raison de ces absences tient au fait que le champ des possibles dépasse toujours les choix nécessairement circonscrits qu’ont dû faire les contributeurs et contributrices lors de la rédaction de leurs articles. Toutefois, ces lacunes n’empêchent pas la réunion de ces contributions de présenter certains enjeux cruciaux des pensées d’Aristote et de Platon et de leur confrontation sur cette question, pas plus qu’elles n’empêchent une forme de cohérence d’ensemble dans le parcours qui est proposé.

12Portant sur certaines divisions platoniciennes, l’article de Marion Pollaert («Divisions des sciences et puissance normative de la division platonicienne») permet d’interroger leur visée non seulement méthodique, mais également proprement axiologique. En examinant l’application de la division à la science et à la technique, il s’agit de montrer que la particularité de cet objet implique de séparer bons et mauvais usages, dont le réseau des divisions met en évidence les conditions respectives. L’absence de linéarité et l’apparent arbitraire du choix des différences spécifiques, variations et incompatibilités entre différentes divisions d’un même objet trouvent ainsi une explication. La division se dote d’un but clair: mettre en évidence la dimension normative de la technique, au-delà d'une simple classification.

13La contribution de Yu-Jung Sun («L’univers et ses parties dans le Timée de Platon: une division du genre en espèce?») se donne pour objectif de confronter ce qui a classiquement constitué l’objet de la taxinomie à proprement parler, c’est-à-dire les espèces naturelles (en l’occurrence, dans le Timée, les vivants compris dans la totalité des devenirs) et la procédure de division. Si leur qualité de tout exhaustif est bien la justification de l’unicité de l’univers et de son modèle, elle demeure insuffisante, à moins de repenser le type de relation entre le genre et les espèces qu’il englobe. L’article montre ainsi que la proportion mathématique permet de comprendre le genre comme un continuum exhaustif. S’appliquant à l’univers sensible, c’est à des divisions et rassemblements bien particuliers qu’il faut faire droit, qui ne sauraient relever de la dialectique proprement dite.

14S’attardant sur les textes aristotéliciens dits du «pont aux ânes» (Premiers AnalytiquesI,27‑31), l’article de Zoé McConaughey («Comment Aristote intègre la méthode de division à l’analytique») montre comment ces derniers présentent un rapport complexe à la division académicienne: ceux-ci rejettent à la fois l’usage principal de la division comme outil classificatoire, définitionnel et déductif, tout en se réappropriant l’ensemble de la pratique divisionnelle. Cette analyse lui permet de distinguer différents «paliers» de division, qui sont autant de composantes de la méthode aristotélicienne proprement dite: la division désigne à la fois la méthode elle-même, une étape de cette dernière et le principe qui permet d’effectuer des divisions.

15Toujours à propos d’Aristote, Michel Crubellier («La question obscure et embrouillée du syllogisme de la définition») s’attarde quant à lui sur l’usage qui est fait de la division dans le livreII des Seconds Analytiques, où Aristote s’interroge, de manière apparemment «obscure et embrouillée» sur la possibilité de prouver une définition, c’est-à-dire d’en faire une «démonstration». Dans ce contexte, l’évaluation critique de la méthode académicienne de la division lui permet de montrer la cohérence de la position d’Aristote: si définition et démonstration sont effectivement des opérations distinctes, le contenu de la connaissance qu’elles produisent est quant à lui le même, et il peut donc y avoir, en un sens élargi, une forme de syllogisme de la définition.

16Pour finir, la contribution d’Ulysse Chaintreuil («La division dans la Métaphysique d’Aristote») montre que l’usage aristotélicien de la division n’est pas seulement scientifique et dialectique, mais également métaphysique, dans le sens où il s’agit d’une opération qui régit la relation entre un genre et la forme (ou l’espèce), lesquels ne sont pas seulement des termes du discours, mais aussi des entités que traite l’ontologie aristotélicienne. Plus spécifiquement, la division apparaît dans ce contexte comme un cas de la relation hylémorphique, strictement analogue à la relation qui unit matière sensible et forme, puisque le genre est une matière intelligible à laquelle est prédiquée par division la différence dernière: la différence dernière est la cause du fait que le genre est par division telle forme (ou espèce) déterminée.

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Notes

1 Voir l’étude de H.Cherniss, Aristotle’s criticism of Plato and the Academy, vol.1, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1944, p.53‑77, qui pense que beaucoup de passages où Aristote se montre critique envers la division «platonicienne» sont en réalité adressés à Speusippe. L’importance de la cible speusippéenne pour Aristote a par ailleurs été montrée de manière convaincante par A.Falcon, «Aristotle, Speusippus, and the Method of Division», The Classical Quarterly, 50, 2000, p.402‑414. Sur la pensée speusippéenne de la division, voir en particulier M.Isnardi‑Parente, Speusippo, Frammenti, Naples, Bibliopolis, 1980, p.256‑260 et L.Tarán, Speusippus of Athens: A Critical Study, Leyde, Brill, 1981, p.396‑406.

2 Notamment chez Proclus et Damascius, qui en font tous les deux une dimension essentielle de la dialectique, c’est-à-dire de la pensée philosophique. Voir à leur sujet C.Tresnie, «Rôle et place des méthodes de division dans les Commentaires de Proclus», in S.Delcomminette et R.VanDaele (dir.), La Méthode de division de Platon à Érigène, Paris, Vrin, 2020, p.133‑152 et R.VanDaele, «La dialectique résolutive dans le contexte de la quête des principes chez Damascius», ibid., p.153‑171.

3 Épicrate, fragment 10KA cité par Athénée, II,54. Ce fragment est qualifié de «célèbre» par H.Cherniss, The Riddle of the Early Academy, NewYork, Russell &Russell, 1962 [1945], p.62‑63. Voir également, sur ce fragment, les analyses de D.ElMurr, Savoir et gouverner. Essai sur la science politique platonicienne, Paris, Vrin, 2014, p.35; et S.Delcomminette &R.Van Daele (dir.), La Méthode de division de Platon à Érigène, Paris, Vrin, 2020, p.7‑8.

4 À l’exemple de F.M.Cornford, Plato’s Theory of Knowledge, The Theaetetus and the Sophist of Plato Translated with a Running Commentary, Londres, Routledge, 1935, p.170.

5 Voir, par exemple, G.Rodier, «Les mathématiques et la dialectique dans le système de Platon», Études de Philosophie grecque, Paris, Vrin, 1957, p.40, n.1 qui ne parvient pas à expliquer l’admiration d’Aristote et de Platon pour la procédure de division.

6 G.Ryle, «Plato’s Parmenides», in R.E.Allen (éd.), Studies in Plato’s Metaphysics, Londres, Routledge, 1965, p.141.

7 Les interlocuteurs des Dialogues eux-mêmes tendent à le souligner, comme c’est le cas dans Politique, 283b et286b.

8 Voir par exemple G.Ryle, Plato’s Progress, Cambridge, Cambridge University Press, 1966, p.285. Il est critiqué de manière convaincante par D.ElMurr, op.cit., 2014, p.26‑27.

9 Voir notamment J.Ackrill, «In Defence of Platonic Division», in O.P.Wood et G.Pitcher (éds.), Ryle, Modern Studies in Philosophy, Londres, MacMillan, 1970, p.373‑392 et en particulier, p.373: «Ryle a exagéré le contraste entre la division platonicienne et la véritable dialectique, c’est-à-dire la philosophie».

10 Phèdre266b4‑5: ἵνα οἷός τε ὦ λέγειν τε καὶ φρονεῖν, trad.L.Brisson.

11 Phèdre266b3: Τούτων δὴ ἔγωγε αὐτός τε ἐραστής, trad.L.Brisson modifiée.

12 Phèdre266b‑c.

13 Voir, entre autres, les études fondatrices de S.Delcomminette, L’Inventivité dialectique dans le Politique de Platon, Bruxelles, Ousia, 1999 et M.Dixsaut, Métamorphoses de la dialectique dans les dialogues de Platon, Paris, Vrin, 2001, qui soulignent largement, bien que de façon différente, le rôle central de la division dans la dialectique platonicienne.

14 Voir notamment le travail collectif de D.Deveureux et P.Pellegrin (dir.), Biologie, logique et métaphysique chez Aristote, Paris, Éditions du CNRS, 1990. À propos de la division, il contient notamment les contributions de G.E.R.Lloyd, «Aristotle’s zoology and his metaphysics. The Status quaestionis. a critical review of some recent theories», ibid., p.7‑35 et P.Pellegrin «Taxinomie, moriologie, division», ibid., p.37‑54.

15 Il faut souligner qu’il existe déjà quelques études comparatives, par exemple M.Deslauriers, «Plato and Aristotle on Division and Definition», Ancient Philosophy,10, 1990, p.203‑219; P.Pellegrin, «Le Sophiste ou de la division, Aristote-Platon-Aristote», in P.Aubenque (dir.), Études sur le Sophiste de Platon, Naples, Bibliopolis, 1991, p.390‑415; ainsi que S.Delcomminette, «Division, dialectique et définition chez Platon et Aristote», Méthexis, 2014, p.24‑45.

16 S.Delcomminette et R.VanDaële (dir.), op.cit., 2020.

17 «C’est l’histoire de cette réception [celle de la division], encore peu étudiée pour elle-même, que nous avons décidé d’explorer dans ce volume» (ibid.p.10).

18 Comme le montre le fragment d’Épicrate cité plus haut: celui-ci décrit la division comme une pratique propre, ou en tout cas caractéristique, de l’Académie.

19 Voir Théétète 208d6-9 sur la «différence» (ἡδιαφορά) qui forme la définition (ὁλόγος) de l’objet, opposée aux caractères communs (ἡκοινότης) à d’autres objets.

20 Voir Politique 258c, sur le «sentier politique» à séparer des autres.

21 Comme en témoigne la multiplicité des «définitions» du sophiste dans la première partie du Sophiste. Ainsi, N.Zaks, Apparences et dialectique. Un commentaire du Sophiste de Platon, Leyde‑Boston, Brill, 2023, p.48 écrit, à propos du processus de division dans ce texte: «Ce processus correspond au déploiement d’une pensée qui ne cesse de s’interroger en suivant le chemin réglé (la méthode) de la division des genres. Au pluriel, logoi doit donc s’entendre comme “explications” ou “explicitations”, voire “raisonnements”, plutôt que strictement “définitions”. Pour autant, on peut douter que la définition soit réellement autre chose que les explications qui y ont conduit. Si le résultat de l’enquête était détachable du processus qui y a mené, il ne resterait alors qu’à prendre acte de ce résultat, de la définition finale du sophiste et à ne plus jamais lire le dialogue. Définition (logos) et explications (logoi), résultat et processus semblent en réalité parfaitement indissociables».

22 À strictement parler, on peut distinguer entre l’analyse, le rassemblement et la division proprement dite: cf.Théétète147c3‑6; 206e4‑208c3 et M.L.Gill, Philosophos: Plato’s Missing Dialogue, Oxford, Oxford University Press, 2012, p.2.

23 Comme c’est le cas dans le Sophiste et dans le Politique.

24 Par exemple, les subdivisions «selon les articulations naturelles» du Phèdre (265e) dissipent une ambiguïté à propos de l’amour (ἔρως).

25 Le son est ainsi considéré selon la qualité et la quantité dans le Philèbe17b‑e.

26 Par exemple, celle du Politique262c8‑262e3. On peut éventuellement lier cette question à celle de la multiplicité des divisions dans le Sophiste. Le débat s’articule autour de L.Brown, «Definition and Division in Plato’s Sophist», in D.Charles (éd.), Definition in Greek Philosophy, Oxford, Oxford University Press, 2010, p.151‑171.

27 Voir Premiers AnalytiquesI,31, Seconds AnalytiquesII,5 et13 notamment. Ces passages ont été beaucoup commentés, par exemple par P.Pellegrin «Division et Syllogisme chez Aristote», Revue philosophique de la France et de l’Étranger, 171, 1981, p.169‑187, M.Deslauriers, art.cit., 1990, p.203‑219 (dont le propos est repris et complété dans le chapitre1 de M.Deslauriers, Aristotle on Definition, Leiden, Brill, 2007), ainsi que A.Falcon «Aristotle’s Theory of Division», Bulletin of the Institute of Classical Studies,68, 1997, p.127‑146.

28 Voir en particulier A.Falcon, «Aristotle’s Rules of Division in the Topics: Relationship between Genus and Differentia in a Division», Ancient Philosophy,16, 1996, p.377‑388.

29 Voir par exemple: Des Parties des animauxI,2‑3. Plus généralement, sur la division dans le corpus biologique d’Aristote, voir notamment D.Balme, «Γένος and Εἶδος in Aristotle’s Biology», The Classical Quarterly,2, 1962, p.81‑89; P.Pellegrin, La Classification des Animaux. Statut de la biologie et unité de l’aristotélisme, Paris, Les Belles Lettres, 1982, en particulier p.25‑71; D.Balme, «Aristotle’s use of division and differentiae», in A.Gotthelf et J.Lennox (éds.) Philosophical Issues in Aristotle’s Biology, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, p.69‑98; P.Pellegrin «Logical difference and biological difference: The Unity of Aristotle’s thought», ibid., 1987, p.313‑338; ainsi que P.Pellegrin, art.cit., 1990, p.37‑47.

30 Voir la contribution d’Ulysse Chaintreuil («La division dans la Métaphysique d'Aristote») dans le présent dossier.

31 Sur la division dans le champ éthique, voir par exemple l’article de M.Deslauriers, «Courage: Definition and distinctions», Revue de philosophie ancienne,38, 2020, p.247‑267, qui met notamment en évidence le rapport complexe d’Aristote à la procédure héritée de Platon dans les définitions de la vertu de courage.

32 P.Pellegrin, art.cit., 1981, p.173.

33 MétaphysiqueZ,12, 1038a30: κατά γε τὸ ὀρθόν.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ulysse CHAINTREUIL et Marion POLLAERT, ««Diairesis: La division chez Platon et Aristote» ‒ Présentation du dossier»,Philonsorbonne, 18|2024, 95-104.

Référence électronique

Ulysse CHAINTREUIL et Marion POLLAERT, ««Diairesis: La division chez Platon et Aristote» ‒ Présentation du dossier»,Philonsorbonne [En ligne], 18|2024, mis en ligne le 30 mai 2024, consulté le 10 juin 2024. URL: http://journals.openedition.org/philonsorbonne/3388; DOI: https://doi.org/10.4000/11rzc

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